Pourquoi la vie d’une créature dépend-elle de la mort d'une autre?
De même que le jour remplace la nuit, le printemps suit l’hiver, et l’été se change en automne, de même la mort suit la vie. Le Créateur qui gouverne tout ne fait rien en vain. Il crée les êtres les plus beaux et les plus complexes à partir de matériaux vils qui semblent peu prometteurs. Puisque l’octroi continu de fraîcheur et de nouveauté à Sa création relève de la nature même de Sa Créativité, et puisqu’Il initie et pousse tout à mûrir et à se développer, les commencements et les fins se succèdent nécessairement dans ce monde.
Avant d’aller plus loin dans ce sujet, définissons la mort. La mort n’est pas l’épuisement terminal de la nature, une annihilation qui survient d’elle-même, ou une extinction totale dans le néant. C’est plutôt une transformation, un changement de lieu, d’état et de dimension, une fin de service, une libération du fardeau de ce service pour atteindre enfin la paix et le repos. Pour chaque être vivant, c’est un genre de retraite ou de retour à sa propre essence et vérité. Pour cette raison, la mort est aussi souhaitable que la vie. Elle est aussi agréable que de retrouver des amis, et une bénédiction aussi grande que celle d’acquérir l’immortalité.
Les matérialistes qui ne saisissent pas la signification de la mort et sa vérité la voient toujours comme quelque chose d’horrible et composent des odes tragiques à ce sujet. Toutes les personnes de ce genre ont vu et ressenti les mêmes choses concernant la mort, et se sont plaints d’elle de la même façon.
Puisque la mort est une séparation de la vie et des vivants, elle affecte notre esprit et les sentiments qui nous distinguent en tant qu’humains. Il est impossible de nier une telle influence et de réduire le coeur au silence face à la mort. La mort éveille des émois considérables dans notre coeur et notre esprit, bien qu’ils puissent être de courte durée. La croyance en la Résurrection fait oublier toutes ces douleurs, car elle revient à offrir un royaume à une personne qui a tout perdu, ou à garantir une vie et un bonheur éternels à celui qui est sur le point d’être exécuté.
Selon ceux qui comprennent le vrai sens de la mort, elle n’est qu’une libération de service, un changement de demeure, et un voyage pour rejoindre la plupart de ses amis. Ceux qui ne comprennent pas cela voient seulement son sens apparent qu’ils trouvent terrifiant : la mort comme bourreau, guillotine, puits sans fond, et passage ténébreux au néant.
Quand les croyants commencent à éprouver la mort, les beautés et les récompenses du Paradis commencent à apparaître devant eux. Quand les incroyants, privés de ce plaisir de la foi, pensent à la mort, ils commencent à sentir le tourment et le feu de l’Enfer qu’ils éprouvent au sein de leur conscience. Leur souffrance n’est pas juste limitée à leurs propres sentiments, car leurs coeurs sentent également la peine et la douleur de tous ceux qui partagent leurs intérêts, leurs plaisirs et leurs préoccupations. La douleur et la perte du bonheur augmentent le fardeau de la peine de ceux qui considèrent la mort comme une fin ultime.
Les croyants considèrent la mort comme la fin d’un service et des fardeaux et épreuves de la vie, et savent que tout continue d’exister dans d’autres domaines (dans son essence, sa forme et/ou son concept). Ainsi, ils voient la mort comme un progrès, une perfection, l’acquisition d’une essence et d’une nature plus élevées. Puisque la mort porte le fruit de l’existence et du bonheur éternels, elle est aussi une grande bénédiction et un don Divin.
Cependant, chaque progrès et perfection, chaque bénédiction et acquisition de celle-ci, doivent passer par des étapes préparatoires : l’examen, la formation, et la purification. Le progrès spirituel et l’élévation subséquente à des niveaux plus hauts viennent seulement à la suite de telles épreuves et purifications. Par exemple, les minerais bruts fondent dans le four d’épuration avant que le métal pur en sorte. À moins de subir ce traitement, les minerais continuent d’exister dans le sol et les roches sans jamais passer par l’examen requis pour être ensuite présentés dans leurs vraies formes.
Si nous acceptons cette analogie, nous comprenons que bien que la mort semble être un arrêt, un passage à l’extinction ou au néant, en réalité elle est un passage à un mode de vie supérieur et plus noble. Quand chaque particule insensible semble se déplacer avec une animation ardente vers son extinction apparente, en réalité elle court vers la perfection qui lui a été prescrite. Quand les atomes d’oxygène et d’hydrogène s’allient, leurs identités propres meurent pour renaître sous forme d’eau, qui est essentielle à la vie de toutes les créatures vivantes. Ainsi nous pouvons dire que la mort est un changement de demeure et de forme, et non pas une fin ou une extinction. Des plus minuscules particules aux plus grands composés de l’univers, tous les changements, toutes les transformations et les décompositions, résultent en quelque chose de plus beau, de plus frais et de plus excellent. C’est pourquoi nous définissons la mort comme le mouvement des êtres vers un mode de vie plus élevé plutôt que comme une extinction.
D’autre part, la mort est le moment où un être démissionne et cède ses affaires à ses successeurs. Cela est accompli sous le regard de Celui qui a la Souveraineté et la domination sur toutes choses. Chaque créature est chargée de se présenter dans un défilé exceptionnel en Présence de Celui qui lui a conférée l’existence. Juste avant que son défilé ne se termine, et que ses images ou son enregistrement ne soient pris et préservés, le défilé des successeurs commence, ce qui soulage le champ du défilé de la monotonie et rafraîchit la scène avec des êtres nouveaux et actifs. Chaque être joue son rôle et s’écarte pour que d’autres puissent apparaître, jouer leurs rôles et montrer leurs talents. La fraîcheur, la vivacité, la beauté et l’excellente diversité visibles dans la création résultent de ces va-et-vient. La mort peut également être comprise comme un conseil silencieux, en ce sens que rien n’existe par soi. En d’autres termes, rien ne peut survivre ou s’éterniser par lui-même. Une faible lumière qui finit par s’éteindre indique une source de lumière qui est inextinguible et éternelle. Pour ceux qui s’attristent et se plaignent de l’état éphémère et de la mort de toutes choses, c’est une bonne leçon pour atteindre la maturité et le vrai bonheur. Tout ce qui conquit nos coeurs nous quittera un jour, ce qui nous fait aspirer à aimer un être éternel et à être aimés de lui. Dans notre monde éphémère, une telle ardeur constitue la première étape de notre approche ou de notre obtention de l’éternité. La mort est l’élévateur mystérieux qui élève les hommes à cette dignité.
Étant donné cela, nous pouvons comparer la mort à une main guérisseuse, une main qui nous soigne jusqu’à guérison complète, qui ne nous cause qu’autant de peine qu’un médecin le ferait : en nous faisant une piqûre ou une incision nécessaire, plutôt qu’un coup d’épée ou de faucille sinistre envoyant tout à la perte. Considérer la mort comme un simple moyen pratique de faire de la place aux nouvelles générations est une erreur, car la mort n’est pas une annihilation ou une extinction absolue. En fait, ce qui disparaît ne disparaît que des horizons de notre compréhension limitée, car l’identité de chaque être (en tant que forme et idée) continue d’exister dans nos mémoires, dans la Suprême Tablette Gardée, et dans le Savoir universel de Dieu. Les morts existent également dans d’autres dimensions et dans des domaines au-delà de ces dimensions, au-delà de la compréhension physique. Par exemple, les graines et les fleurs s’épanouissent puis meurent, mais leur identité en tant que forme et idée continue dans les nombreuses graines et fleurs qui s’épanouiront après elles. Considérez le sujet d’un autre angle. Si la mort n’existait pas, ne vivrions-nous pas dans un enfer de terreur constante en faisant face à une existence sans fin, sans interruption ni repos? Comment pourrions-nous évaluer le mérite ou la valeur de quiconque et de quoi que ce soit, conserver ou concentrer notre énergie, avoir une intention ou exercer une volonté, si le temps était illimité? Si une telle situation était réelle, ceux qui se lamentent maintenant de l’état éphémère de toute chose et de la mort se lamenteraient alors de leur absence. De plus, nous ne connaîtrions pas l’intarissable variété de la création, avec toutes les inspirations et les images de beauté, de fraîcheur et de perte avec renouvellement qu’elle présente à l’esprit humain. Comment, en l’absence d’un tel panorama de nouveauté au sein de la stabilité, l’esprit humain pourrait-il être inspiré à contempler ce qui s’étend au-delà du monde visible et qui le maintient? Comment pourrions-nous chercher et adorer l’Être Unique qui crée et pourvoit à tous?
Traitons le sujet à partir d’un autre angle. Si tout dépendait de la vie au lieu de la mort, si les êtres continuaient à vivre malgré les calamités, et si tous les événements et la vie suivaient une seule direction pour toujours, qu’arriverait-il?
En s’appuyant sur ce que nous avons dit auparavant, la mort est pure bénédiction et sagesse. La vie sans mort serait si absurde et un désastre si horrible que, si on pouvait faire une description complète de la situation, les gens pleureraient et se lamenteraient de rester en vie au lieu de mourir.
Si rien ne mourait, ni une mouche ni un être humain n’auraient pu avoir vécu dans les premiers temps de ce monde, car des choses comme le lierre et les fourmis auraient envahi la planète entière. Rien d’autre n’aurait pu survivre ou prospérer. Et si plus tard, aucune fourmi ou lierre ne mourait, il y en aurait des couches épaisses recouvrant toute la terre. Puisque tout cela ne peut pas être contesté, nous pouvons constater quelle grande bénédiction est la mort, et quelle grande sagesse il y a à permettre aux choses mortes de se décomposer.
Combien de beautés fascinantes et de splendeurs de la terre aurait-on pu voir avec un si grand nombre de lierres et de fourmis? Dans une situation pareille, que deviendrait ce monde qui a été créé pour exhiber la splendeur et les merveilles de l’art Divin? Comment pourrions-nous témoigner de la Puissance, la Majesté, le Savoir et la Grâce du Créateur et Maître de ce monde?
L’absence de la mort aurait provoqué aussi un autre problème : la sagesse et l’ordre magnifiques qui régissent cet univers prouvent que rien n’y a été créé en vain. Le Maître Absolu des domaines physiques et spirituels crée des choses de très grande valeur à partir de ce qui peut nous paraître sans valeur, transformant les choses sans valeur en chefs-d’oeuvre inestimables. De nouvelles et excellentes créations sont engendrées à partir de cellules servant de formes physiques à Ses serviteurs, notamment ceux qui appartiennent aux âmes humaines que Dieu a rappelées et qu’Il garde dans Ses royaumes. Si l’on permettait aux corps, que Dieu rend si dignes en y « insufflant » des âmes humaines, de se décomposer jusqu’à s’anéantir, la Sagesse Omnisciente du Créateur serait contredite. Une telle notion est absolument contraire à son Honneur Divin et ne peut donc être soutenue.
En conclusion, toute la création, son équilibre et son ordre, le contrôle et l’administration par lesquels ses harmonies complexes sont maintenues, sont si magnifiques qu’ils sont une source d’inspiration pour tous ceux dont le coeur et l’esprit sont ouverts à la beauté et au plaisir qui les entourent. La division, la fusion et le déplacement des atomes ; la croissance des plantes et des arbres ; l’écoulement des fleuves vers la mer ; l’expansion des océans, leur grandeur et leur puissance incalculable ; l’évaporation de l’eau salée et son retour en tant que pluie, source de vie – tout se précipite ardemment d’une étape à une autre, celle-ci étant plus élevée et meilleure.
Quel univers ! Voyez comme il agite nos esprits ! Les miracles du Tout-Puissant défilent devant mes yeux. Ce que la Vérité déploie des cieux est les cieux qui sourient :
Des voiles de Sa lumière dans les variétés glorieuses
de couleurs et d’ombres
Dans l’herbe, dans la mer, dans les montagnes,
dans une matinée printanière !
Né dans un tel monde,
Quoi de plus naturel que de souhaiter être poète.
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