Quel est le rôle de la Prophétie et des Prophètes?
La Prophétie représente le rang et l'honneur les plus élevés qu'un homme puisse recevoir de Dieu. Elle prouve la supériorité de cet homme dans son être intérieur sur tous les autres. Un Prophète est comme une branche reliant le Divin au royaume humain. Il est le coeur et la langue véritables de la Création. Il est pourvu d'un intellect suprême qui pénètre la réalité des choses et des évènements.
Il est en outre l'être idéal, car toutes ses facultés sont harmonieusement excellentes et actives. Il lutte et progresse continuellement vers le Paradis, attend l'inspiration Divine pour résoudre les problèmes qu'il rencontre, et est le point de connexion entre ce monde et l'Au-delà. Son corps est assujetti à son coeur et le suit toujours, ce foyer symbolique de l'intellect spirituel, comme le fait son coeur. Ses perceptions et ses réflexions sont toujours dirigées vers les Noms et les Attributs de Dieu. Il va vers ce qu'il perçoit, et parvient à la destination désirée.
La perception d'un Prophète, développée dans sa totalité – voir, entendre et ainsi savoir – surpasse celle de tous les autres hommes. Sa perception ne peut être expliquée en termes de lumière ou de sons différents, ou encore d'autres longueurs d'ondes. Les personnes ordinaires ne peuvent acquérir la connaissance d'un Prophète.
En transmettant le message et la guidance de Dieu, les Prophètes nous donnent un aperçu de la création pour que nous puissions connaître une partie de sa signification. Sans eux nous serions incapables de voir ou de comprendre la vraie nature et signification des choses et des événements, ou de faire face à l'environnement qui nous entoure. Ils nous enseignent aussi sur Dieu, Ses Noms et Ses Attributs.
Leur première mission est d'enseigner la réalité, le but et la signification véritables de cette vie. Puisque Dieu est au-delà de notre perception et de notre compréhension, les Prophètes doivent être les personnes les plus obéissantes, prudentes, conscientes et disciplinées lorsqu'ils accomplissent leurs tâches. S'ils n'avaient pas parlé du Créateur en termes clairs, on ne pourrait pas penser, savoir, ou dire ce qui est juste à propos de Dieu.
Tout ce qui se trouve dans l'univers tente de démontrer les Noms et les Attributs du Tout-Puissant, le Tout-Connaisseur et Créateur. De la même manière, les Prophètes notent, affirment, et sont fidèles à la relation subtile et mystérieuse qui lie Dieu et Ses Noms et Attributs. Comme leur devoir est de connaître et de parler de Dieu, ils perçoivent la véritable signification des choses et des événements et la transmettent directement et sincèrement à l'humanité.
Lorsqu'on se trouve dans un lieu nouveau et non familier, on a besoin d'un guide. Cette analogie s'applique au rôle des Prophètes. Serait-il possible que Celui qui a tout créé afin que nous puissions Le connaître ne nous donne pas de guides, sous la forme de Prophètes, pour nous informer de Ses Noms et Attributs et nous guider sur le droit chemin? Passer outre un tel besoin rendrait la création inutile et futile, or nous savons que Dieu ne s'engage pas dans de telles activités. Il paraît donc plus probable que tous les hommes soient informés de telles choses par un Prophète envoyé par Dieu.
Le Coran est explicite sur ce point : Car Nous avons envoyé dans chaque communauté un Messager (pour leur dire) : Adorez Dieu et écartez-vous du mal (16 : 36). Mais beaucoup ont progressivement oublié ces enseignements Divins et se sont mis à commettre des erreurs comme celles de déifier entre autres les Prophètes, ou de pratiquer l'idolâtrie. On peut le voir dans les déités du Mont Olympe dans la Grèce antique, la sanctification du Gange en Inde, et dans beaucoup d'autres lieux. Même en admettant qu'il doit y avoir une énorme différence entre la forme initiale et la forme actuelle d'un grand nombre de religions, il est quasiment impossible de comprendre les conditions qui ont causé l'apparition de Confucius en Chine et de Brahma et Bouddha en Inde. Il est tout aussi difficile de deviner quels étaient leurs messages originels et à quel point ils ont été corrompus.
Si le Coran ne nous avait pas présenté Jésus, nous n'aurions pas pu avoir une idée précise de sa vie et de ses enseignements. Au cours du temps, des prêtres (entre autres) ont mélangé la vérité de Jésus avec les philosophies et l'idolâtrie de la Grèce et de la Rome antiques, ils ont donné des attributs Divins à des êtres humains, et ont donné à Dieu des caractéristiques humaines. La Trinité est un exemple évident. Peut-être que Rome accepterait que le christianisme soit sa religion d'État officielle sous la condition que les divers festivals, fêtes, rites et rituels païens y soient intégrés. Sans le savoir apporté par la Révélation du Coran, il serait très difficile de différencier Jésus-Christ d'Adonis ou de Dionysos.[50]
Si l'on considère que le christianisme est relativement récent, et ce que les chrétiens ont fait à leur Prophète et à leur Livre, on peut se demander combien d'autres personnes sont tombées dans la même erreur. Un hadith authentique nous dit : « Les disciples d'un Prophète vont réaliser sa mission après sa mort, mais certains de ses fidèles vont ensuite modifier tout ce qu'il a établi »[51]. C'est un point très important. Un grand nombre de religions que nous considérons maintenant comme fausses ont dévié dans l'erreur, la superstition et la légende au cours du temps par la volonté délibérée de leurs ennemis (ou les erreurs de leurs fidèles), bien qu'elles aient pu émaner au départ d'une source Divine des plus pures.
Dire que quelqu'un est un Prophète alors qu'il ne l'est pas relève de l'incroyance, tout comme le fait de refuser de croire en un vrai Prophète. D'un autre côté, si le cas des fausses religions est similaire à celui du christianisme, on devrait les considérer avec prudence et se garder de tout jugement. On devrait réfléchir à ce que le bouddhisme ou le brahmanisme ont pu être dans leur forme véritable et initiale, tout comme les doctrines attribuées à Confucius ou les pratiques et les croyances du shamanisme. Peut-être ont-elles conservé des points communs avec ce qu'elles étaient à l'origine.
Beaucoup de religions qui ont été pures ont été déformées et altérées. Il est donc essentiel d'accepter la pureté de leur fondation à l'origine. Le Coran dit : Il n'est pas une nation qui n'ait déjà eu un avertisseur (35 : 24 ), et Nous avons envoyé dans chaque communauté un Messager (16 : 36).
Ces révélations affirment que Dieu a envoyé des Messagers à toutes les communautés. Le Coran mentionne les noms de 28 Prophètes, parmi un total de 124 000 (ou peut-être 224 000). On ne sait pas exactement quand et où beaucoup d'entre eux ont vécu. Mais il n'est pas nécessaire de connaître de telles informations car : Certes Nous avons envoyé avec toi des Messagers. Il en est dont Nous t'avons raconté l'histoire, et il en est dont Nous ne t'avons pas raconté l'histoire (40 : 78).
De récentes études en religion, philosophie et anthropologie comparative révèlent que de nombreuses communautés très éloignées les unes des autres partagent certains concepts et certaines pratiques. Parmi elles on trouve le mouvement du polythéisme vers le monothéisme, et la prière à un Dieu Unique dans les moments difficiles en levant les mains et en L'invoquant. Beaucoup de ces phénomènes indiquent une source singulière et un enseignement unique. Si des tribus primitives coupées de la civilisation et de l'influence des Prophètes connus ont une compréhension sûre de Son Unicité, même s'ils ne savent pas très bien comment vivre selon cette croyance, c'est qu'un Messager a dû leur être envoyé à un moment dans le passé : À chaque communauté un Messager. Et lorsque leur Messager vint, tout se décida en équité entre eux et ils ne furent point lésés (10 : 47 ).
Qu'en est-il de ceux qui proclament qu'aucun Prophète ne leur a été envoyé? Sont-ils jugés responsables de leurs croyances et de leurs actions? D'après le verset cité plus haut, un Prophète a été envoyé à chaque communauté. Il peut y avoir des périodes où l'obscurité a semblé dominer, mais ces périodes sont seulement temporaires. Il est néanmoins possible que le travail du Prophète ait été tellement anéanti par des idées et des rites erronés que les vrais enseignements se soient perdus.
Dans de tels cas, les peuples ont pu rester dans l'ignorance sans le savoir ou contre leur gré. Ces personnes ne seront pas punies ou blâmées pour le mal qu'elles pourraient faire, jusqu'à et à moins qu'elles n'aient été averties : Nous n'avons jamais puni avant d'avoir envoyé un Messager (17 : 15), car l'avertissement précède la responsabilité et la récompense ou la punition.
Les savants musulmans ont des opinions qui diffèrent sur cette question. Par exemple, l'imam Maturidi et son école affirment que personne ne peut être excusé, car il y a assez de preuves qui démontrent l'existence d'un Créateur Unique pour guider qui que ce soit à croire en Lui. L'école Acharite, se référant au verset déjà cité, affirme que l'avertissement et la guidance doivent précéder le jugement et que les hommes ne peuvent être tenus pour responsables que si un Prophète leur a été envoyé.
D'autres allient ces deux positions : ceux qui n'ont pas reçu de Prophète et ne sont donc pas devenus volontairement incroyants ou idolâtres sont appelés ahl al-najat (ceux qui seront pardonnés et donc échapperont à la punition, et qui seront sauvés si Dieu le veut). Cette position se base sur la prémisse que certaines personnes ne peuvent pas analyser leur environnement, percevoir sa signification ou en déduire le chemin à suivre en termes de croyance et d'action. On doit d'abord leur enseigner la voie droite, leur expliquer comment agir, et ensuite ils pourront être récompensés ou punis selon ce qu'ils font avec leur nouveau savoir. Ceux qui embrassent volontairement l'incroyance, combattent la foi et la religion, ou qui défient Dieu et Ses commandements en toute conscience seront interrogés et punis quel que soit leur isolement.
[50] Deux déités qui étaient très adorées dans la Grèce antique et dans les pays qui étaient sous son influence culturelle, ainsi que dans l'Empire romain.
[51] Mouslim, Fadhail's-Sahaba, 210-12 ; Ibn Hanbal, Mousnad, 417.
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