Les musulmans sont-ils coupables d’impérialisme?
Cette accusation continue d'être lancée contre le monde musulman. Je voudrais la contrecarrer en posant les questions suivantes :
En considérant les circonstances qui prévalaient 1400 ans plus tôt, comment quelqu’un vivant à La Mecque ou a Médine pourrait-il exploiter son propre clan et sa tribu? Si les terres et les peuples prétendument exploités étaient ceux du Hedjaz, lesquels étaient pauvres, stériles et arides, qui aurait souhaité les envahir ou les exploiter? Il est grotesque de porter l’accusation de colonialisme impérialiste contre des musulmans d’une si grande noblesse de caractère, qui risquèrent leur vie pour transmettre le message de l’islam, qui passèrent la plus grande partie de leur vie loin de leurs enfants, de leurs familles, de leurs maisons et de leurs terres natales combattant des armées dix à vingt fois plus nombreuses que la leur, et qui étaient profondément affligés quand ils ne tombaient pas martyrs sur les champs de batailles pour rejoindre les premiers martyrs de l’islam. Demandons-nous quel gain matériel ils obtinrent en échange d’une telle lutte, d’une telle privation et d’un tel sacrifice !
Ceux qui ont envahi, occupé et exploité les autres avec les pires intentions (et les pires résultats) de l’impérialisme sont les individus ou les nations assoiffés par le pouvoir. Pour n’en citer que quelques-uns : Alexandre « le Grand », Napoléon, l’Empire romain, l’Allemagne nazie, les armées mongoles lâchées par Gengis Khan et les armées coloniales lancées par l’Europe occidentale, la dictature russe (tsariste puis communiste) et l’Empire américain (qu’il s’agisse du « Destin Manifeste » ou d’« apporter la paix dans le monde au nom de la démocratie »). Partout où de telles conquêtes ont eu lieu, elles ont corrompu la moralité des conquérants et des conquis, causant le chaos, le conflit, les larmes, le carnage et le pillage. Aujourd’hui leurs héritiers, tels des voleurs enhardis qui trompent les propriétaires des biens qu’ils volent en leur faisant croire qu’ils n’ont rien volé, tentent de souiller l’islam, ainsi que son Prophète et ses Compagnons.
Les vrais musulmans n’ont jamais cherché à exploiter les autres. Ils n’avaient d’ailleurs jamais laissé les autres faire cela là où le gouvernement musulman avait la juridiction. À une époque où les armées musulmanes passaient d’un triomphe à l’autre, le calife Omar disait : « Ce qui me sied est de vivre au même niveau que les musulmans les plus pauvres », et c’est vraiment ainsi qu’il vivait. Qui donc exploitait-il, cet homme qui ne mangeait que quelques olives par jour pour sa propre survie?
Après l’une des batailles, quand on invita un musulman à prendre les affaires d’un soldat ennemi qu’il avait combattu et tué, il dit : « Je n’ai pas participé à la bataille dans le but de m’emparer du butin. » En montrant sa gorge, il ajouta : « Ce à quoi j’aspire c’est de recevoir une flèche ici et de tomber martyr. » (Son voeu se réalisa plus tard.) En brûlant de désir pour le martyre, qui exploitait-il?
Dans une autre bataille, un soldat musulman combattit et tua un ennemi important qui avait tué beaucoup de musulmans. Le commandant musulman le vit passer près de l’ennemi mort. Il alla à la tête du mort et demanda qui l’avait tué. Le soldat musulman ne voulut pas répondre, mais le commandant l’appela une autre fois au Nom de Dieu. Alors en se sentant obligé de répondre, il s’approcha du commandant avec son visage caché par un morceau de tissu. La conversation suivante eut lieu entre eux :
- L’as-tu tué pour Dieu?
- Oui.
- Bien. Dans ce cas, prends ces mille dinars.
- Mais j’ai fait cela pour Dieu !
- Quel est ton nom?
- Pourquoi voulez-vous connaître mon nom?
- Peut-être pour annoncer cela à tout le monde et me faire perdre la récompense dans l’Au-delà.
Comment de telles personnes pourraient exploiter autrui et établir des colonies partout dans le monde? À vrai dire, ceux qui détestent l’islam et les musulmans sont insensibles à la réalité historique de l’expansion de l’islam.
Considérons ce que sont l’exploitation et l’impérialisme. L’impérialisme ou le colonialisme est un système de gouvernement par lequel un pays riche et puissant contrôle d’autres pays : leur commerce et leur politique, pour s’enrichir et gagner plus de pouvoir aux dépens des autres. Il existe beaucoup de genres d’exploitation. Dans le monde actuel, ils peuvent prendre les formes suivantes :
- La souveraineté absolue par dépossession des peuples indigènes afin d’établir le règne et la souveraineté directs de l’envahisseur. On en trouve plusieurs exemples dans l’histoire du colonialisme.
- L’occupation militaire de sorte que les envahisseurs puissent contrôler le territoire et les ressources de la nation conquise. Le règne colonial britannique en Inde en est un exemple.
- L’interférence et l’intervention publiques ou secrètes dans les affaires intérieures et étrangères, dans l’économie et dans la défense d’un pays. Les exemples en sont les pays du tiers-monde qui sont manipulés et commandés par certains pays développés.
- Le transfert d’intellectuels, qui est actuellement le type d’impérialisme le plus courant et le plus dangereux. Des jeunes, particulièrement intelligents et doués sont sélectionnés dans les pays à exploiter, pourvus de bourses et instruits à l’étranger. Là ils sont introduits dans différents groupes dont ils deviennent membres. Quand ils reviennent dans leur pays, on leur offre des postes administratifs influents afin qu’ils puissent influencer le destin de leur pays. Quand des personnes natives ou étrangères liées aux exploiteurs à l’étranger sont placées dans des positions cruciales dans le mécanisme de l’État, le pays est conquis de l’intérieur. Cette excellente technique a permis aux impérialistes occidentaux de réaliser un grand nombre d’objectifs en douceur, sans provoquer l’hostilité du peuple qu’ils souhaitent asservir. Aujourd’hui, le monde musulman est pris dans ce piège et continue à souffrir de l’exploitation et de l’abus des pays impérialistes.
Quel que soit le type d’impérialisme auquel ils sont soumis, les pays conquis subissent un certain nombre de conséquences :
- Les diverses méthodes d’assimilation aliènent les peuples de leurs propres valeurs, de leur culture et de leur histoire. En conséquence, ils souffrent de crises d’identité et de but, ne connaissent pas leur propre passé et ne peuvent pas librement imaginer leur propre futur.
- Tout enthousiasme, effort et ardeur à soutenir et à développer leur pays sont réprimés. L’industrie est rendue dépendante des (anciens) maîtres impériaux, la science et la connaissance ne sont pas autorisées à devenir productives et primordiales, et l’imitation est établie fermement de façon à ce que la liberté d’étude et les nouvelles recherches ne prennent pas pied.
- Les peuples conquis restent en marge, totalement dépendant des étrangers. Ils sont réduits au silence et leurrés par des expressions vides telles que le progrès, l’occidentalisation, la civilisation et leurs semblables.
- Tous les établissements d’État sont pénétrés par l’aide étrangère, qui n’est en réalité qu’une énorme dette financière et culturelle. Les importations, les exportations et le développement sont complètement contrôlés par ou conduits selon les intérêts des exploiteurs.
- Alors qu’aucun effort n’est épargné pour maintenir les masses dans la pauvreté, les classes dirigeantes deviennent habituées à la dépense inconsidérée et au luxe extravagant. Le mécontentement collectif qui en résulte pousse les gens à se combattre entre eux, devenant ainsi encore plus vulnérables à l’influence et à l’intervention étrangères.
- L’activité intellectuelle et spirituelle est étouffée, et ainsi les établissements d’éducation tendent à copier les méthodes, les idées et les sujets étrangers. L’industrie est réduite au montage de pièces préfabriquées. L’armée tend à devenir un lieu de décharge pour les pays impérialistes, car l’achat d’armements coûteux assure le bien-être continu de l’industrie de ces derniers.
Nous nous demandons s’il est vraiment raisonnable de faire ressembler la conquête islamique à l’impérialisme, qui a apporté tant de conséquences désastreuses partout où il est allé.
La victoire des armées musulmanes n’a jamais causé l’exode des peuples vaincus les forçant à quitter leurs maisons et leurs pays, et n’a jamais obligé les gens à travailler en leur mettant des chaînes aux mains et aux pieds. Les musulmans ont laissé les peuples natifs libres de suivre leurs propres chemins et croyances, et les ont protégés exactement de la même façon qu’ils protègent les musulmans. Les gouverneurs et les souverains musulmans étaient aimés et respectés pour leur justice et leur intégrité. L’égalité, la paix et la sécurité étaient établies entre les différentes communautés.
S’il en avait été autrement, les chrétiens syriens se seraient-ils réunis dans leurs églises pour prier pour la victoire des musulmans contre les Byzantins chrétiens qui cherchaient à regagner le contrôle de leur pays? Si les musulmans n’avaient pas été si respectueux des droits des non-musulmans, pourraient-ils avoir maintenu la paix durant des siècles dans un État si vaste qu’il fallait plus de six mois pour le traverser d’une frontière à l’autre?
On ne peut s’empêcher d’admirer ces souverains musulmans et l’énergie dynamique qui a fait d’eux ce qu’ils étaient, quand nous les comparons aux chefs d’États actuels. En dépit de tous les moyens de transport modernes, de télécommunications et de l’appui militaire, ils ne peuvent pas maintenir la paix et la sécurité même dans une petite région.
Aujourd’hui, beaucoup de savants et d’intellectuels qui reconnaissent la valeur de la dynamique de l’islam, qui engendra la souveraineté globale de l’islam et qui formera la base de notre existence éternelle dans l’Au-delà, nous disent clairement que les musulmans devraient les reconsidérer et les regagner. Tout en conquérant les terres, les musulmans conquéraient aussi les coeurs des citoyens. Partout ils étaient reçus avec amour, respect et obéissance. Aucun peuple ayant accepté l’islam ne s’est jamais plaint d’avoir été culturellement réprimé ou ruiné par l’arrivée des musulmans. Le contraste avec la réalité des conquêtes de l’Europe chrétienne est frappant.
Les premiers musulmans reconnaissaient la valeur du potentiel de la connaissance et de l’art dans les terres conquises. Ils préparaient et fournissaient tous les moyens nécessaires aux savants et aux scientifiques du pays pour poursuivre leurs travaux. Quelle que fût leur religion, les musulmans avaient un grand respect pour les autochtones et les honoraient dans la communauté. Ils ne firent jamais ce que les descendants des colons britanniques firent aux Indiens en Amérique ou aux aborigènes en Australie, ce que les Français firent aux Algériens, ou les Hollandais aux Indonésiens. Au contraire, ils traitèrent les peuples conquis comme s’ils étaient leurs propres concitoyens et coreligionnaires, comme s’ils étaient des frères et des soeurs.
Le calife Omar encouragea un Égyptien copte qui avait été battu par un noble mecquois à le battre tout comme il l’avait battu. Quand Omar entendit dire qu’Amr ibn al-As avait blessé les sentiments d’un Égyptien indigène, il le réprimanda ainsi : « Depuis quand asservissez-vous les gens que leurs mères enfantent libres? » Quand il alla recevoir les clefs de Masjid al- Aqsa, Omar rendit visite aux prêtres et discuta avec eux dans différentes églises en Palestine. Un jour, alors qu’il se trouvait dans une église quand le temps de la prière arriva, le prêtre lui proposa à plusieurs reprises de prier à l’intérieur de l’église, mais Omar refusa en lui disant que : « Vous risquez d’être harcelé plus tard par les autres chrétiens parce que vous m’aurez permis de prier dans l’église. » Il sortit de l’église et pria à l’extérieur, par terre.
Ce ne sont là que quelques exemples pour montrer combien les musulmans étaient sensibles, tolérants, justes et humanitaires envers les autres. Une telle attitude de vraie tolérance n’a été réalisée par aucun autre peuple ou société.
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