Sa générosité

Le Messager est le miroir le plus brillant dans lequel les Noms et les Attributs de Dieu sont reflétés au plus haut degré. En tant que parfaite manifestation de ces Noms et Attributs, l'incarnation du Coran et de l'islam, il est la preuve la plus grande, la plus évidente et la plus complète de l'Existence et de l'Unité de Dieu, et de la vérité de l'islam et du Coran. Ceux qui le voyaient se rappelaient automatiquement Dieu. Chacune de ses vertus et de ses actions reflétait un Nom ou Attribut de Dieu, et est une preuve de sa Prophétie. Comme sa douceur et sa grande patience, sa générosité est une autre dimension de sa personnalité excellente et sans pareille, une réflexion et preuve de sa Prophétie.

Le peuple arabe était réputé pour sa générosité même avant l'avènement de l'islam. Quand nous regardons la poésie de ces temps pré-islamiques, nous voyons que les Arabes étaient fiers de leur générosité. Toutefois, leur générosité n'était pas faite pour l'amour de Dieu ni pour un motif altruiste; au contraire, c'était une raison d'orgueil et de fierté. Mais la générosité du Messager était purement pour Dieu. Il ne la mentionnait jamais et n'aimait pas qu'on la mentionnât. Quand un poète le louait pour sa générosité, il attribuait tout le bien qu'il avait ou faisait à Dieu. Il ne s'attribuait jamais ses vertus et ses bonnes actions.

Le Messager aimait distribuer tout ce qu'il avait. Il travaillait dans le commerce jusqu'à ce qu'il devînt Prophète, et possédait une richesse considérable. Ensuite, lui et sa riche épouse Khadija dépensaient tout dans le sentier de Dieu. Quand Khadija mourut, il n'avait pas assez d'argent pour payer son linceul. Le Messager avait dû emprunter de l'argent pour enterrer sa propre femme, la toute première personne à embrasser l'islam et sa première fidèle.[1]

Si le Messager l'avait voulu, il aurait pu être l'homme le plus riche de La Mecque. Mais il rejetait de telles offres sans aucune hésitation. Bien que Dieu eût rendu obligatoire qu'un cinquième du butin de guerre revienne à la libre disposition du Messager, il ne le dépensa jamais pour lui-même ni pour sa famille. Lui et sa famille menaient une vie austère et survivaient avec les provisions les plus maigres qui fussent, car il préférait toujours les autres à lui-même. Par exemple, sa part du butin de Hounayn était de 40 000 moutons, 24 000 chameaux et 16 tonnes d'argent.

Safwan ibn Umayya, de qui le Messager avait emprunté des armes, contemplaient le butin avec envie et ahurissement. Conscient de cela, le Messager lui donna autant de chameaux qu'il en voulait. Epoustouflé par tant de générosité, Safwan courut vers son peuple pour leur annoncer: «Ô mon peuple! Acceptez l'islam sans hésiter, car Mohammed donne d'une telle façon que seul celui qui n'a nulle crainte de la pauvreté et qui se fie entièrement à Dieu peut donner!» Une telle générosité avait suffi à guider à la vérité Safwan et son peuple, qui avaient été parmi les ennemis les plus acharnés de l'islam jusqu'à la veille de ce jour-là.[2]

Le Messager se considérait comme de passage sur cette terre. Un jour il dit: «Quel lien ai-je avec ce monde? Je suis tel un passant qui se repose à l'ombre d'un arbre, puis continue sa route.»[3] Selon lui, le monde est comme un arbre sous l'ombre duquel s'attardent les hommes. Nul ne pouvant vivre pour toujours, chacun doit préparer ici la seconde partie de son voyage, qui se terminera soit au Paradis soit en Enfer.

Le Messager a été envoyé pour guider les gens à la vérité, et dépensa donc sa vie et ses biens dans cette voie. Un jour, Omar le vit allongé sur une natte rugueuse et se mit à pleurer. Quand le Messager lui demanda pourquoi il pleurait, Omar répondit: «Ô Messager de Dieu, tandis que les rois dorment dans des lits moelleux de plumes, toi tu t'allonges sur une natte rugueuse. Tu es le Messager de Dieu, et en tant que tel tu mérites plus que quiconque une vie agréable.» Il répondit à cela: «Ne consens-tu pas que nous aurons la vie future et qu'ils ont ce bas monde?»[4]

L'islam n'approuve pas la vie monastique. Il est venu pour assurer la justice et le bien-être humain, mais avertit contre d'indulgence excessive. Ainsi de nombreux musulmans ont-ils choisi la vie ascétique. Même si des individus musulmans devinrent plus riches après le décès du Messager, d'autres comme Abou Bakr, Omar et Ali préférèrent une vie austère. C'était en partie parce qu'ils ressentaient le besoin de vivre comme le plus pauvre de leurs concitoyens, et en partie parce qu'ils suivaient strictement l'exemple du Prophète. Pendant son califat, on offrit à Abou Bakr un verre d'eau froide pour qu'il rompît son jeûne pendant le Ramadan. Il porta le verre à ses lèvres et se mit soudain à pleurer. Quand on lui demanda pourquoi, il répondit: «Un jour, le Messager but un tel verre d'eau froide qu'on lui avait offert et il pleura. Il dit que Dieu dit: 'Ce Jour-là, tu seras questionné sur toutes les grâces.' L'on nous interrogera au sujet de cette eau. Je me suis souvenu de cela et j'ai pleuré.»[5]

Au début de son califat, Abou Bakr gagnait sa vie en trayant les brebis d'une femme. Quelques temps plus tard, on lui attribua un petit salaire. Alors qu'il était sur son lit de mort, il donna une cruche à ceux qui l'entouraient et leur demanda de la remettre au nouveau calife après sa mort. Omar lui succéda et, quand il cassa la cruche, quelques pièces de monnaie en tombèrent, ainsi que la lettre suivante: «J'ai vécu selon le niveau de vie du plus pauvre habitant de Médine, et j'ai mis dans cette cruche le montant qui est resté de mon salaire. Par conséquent, ces pièces appartiennent au trésor public et doivent y être retournées.» Ayant lu la lettre, Omar se mit à pleurer et remarqua: «Ô Abou Bakr, tu as laissé à tes successeurs un fardeau insoutenable.»[6]

Le Messager était, selon les termes d'Anas, «l'homme le plus généreux et le plus charmant.»[7] Jabir ibn Samura rapporte:

Un jour alors que nous étions assis à la mosquée, la pleine brillait au-dessus de nous. Le Messager entra. Je regardai d'abord à la lune, puis à son visage. Je jure par Dieu que son visage était plus radieux que la lune.[8]

Le Messager ne refusait jamais rien aux gens, et, comme Farazdak le dit, il ne prononçait «non» que lorsqu'il récitait la profession de foi en priant. Un jour, un Bédouin vint demander quelque chose au Messager, lequel accéda à sa demande. Le Bédouin continua à demander et le Messager continua à donner jusqu'à ce qu'il n'eût plus rien. Quand le Bédouin demanda à nouveau quelque chose, le Messager lui promit qu'il le lui donnerait quand il l'aurait. En colère face à une telle impertinence, Omar dit au Messager: «On t'a demandé et tu as donné. On t'a redemandé et tu as redonné, jusqu'à ce qu'on te demande une fois de plus et là tu as promis!» Omar voulait dire que le Messager ne devrait pas rendre les choses aussi difficiles pour lui-même. Le Messager n'approuva pas les paroles d'Omar. Abd Allah ibn Hudafa al-Sahmi se leva et dit: «Ô Messager, donne sans craindre que le Maître du trône d'Honneur ne t'appauvrisse!» Content de cette parole, le Messager déclara: «C'est ce que l'on m'a ordonné de faire!»[9]

Il ne refusait jamais une requête, car c'était lui qui avait dit: «Les généreux sont près de Dieu, du Paradis, et des gens, mais loin du Feu. Les avares sont loin de Dieu, du Paradis, et des gens, mais près du Feu»[10], et: «Ô gens! Certes Dieu a choisi pour vous l'islam comme votre religion. Améliorez votre pratique de l'islam à travers la générosité et les bonnes manières.»[11] Sa miséricorde s'élevait sous forme de rosée dans le ciel, puis pleuvait comme une générosité de sorte que les cœurs endurcis deviendraient assez fertiles pour laisser pousser «de bons arbres dont les racines seraient solides et les branches seraient dans les cieux, et qui donneraient des fruits à chaque saison, par la permission de leur Maître.»


[1] Ibn Kathir, Al-Bidaya, 3:158-9
[2] Ibn Hisham, 4:135; Ibn Hajar, Al-Isaba, 2:187; Muslim, "Fadha'il," 57
[3]Bukhari, "Riqaq," 3
[4]Bukhari, "Tafsir," 2; Muslim, "Talaq," 31
[5]Muslim, "Ashriba," 140; Abu Nu'aym, "Hilya," 1:30
[6]Tabari, "Tarikh," 4:252
[7]Muslim, "Fadha'il," 48
[8] Suyuti, Al-Khasa'is, 1:123; Hindi, Kanz al-'Ummal, 7:168
[9] Ibn Kathir, 6:63
[10] Tirmidhi, "Birr," 40
[11] Hindi, 6:571

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